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La Belgique : Deux poids, deux mesures

Que fait la justice belge ?
 par Yolande Mukagasana

Lorsqu’un réfugié arrive en Belgique, la première chose que l’office des étrangers emande c’est son itinéraire. S’il est passé par un pays européen, il est remis à ce ays-là. Pour les génocidaires des Tutsi du Rwanda, c’est différent, même s’ils sont cherchés par Interpol, ils sont les bienvenus en Belgique.

Les rescapés n’ont jamais cette faveur.

Celui que l’on appelle « le Boucher de Butare », Docteur Rwamucyo est arrivé en Belgique, il lui a suffi de sauter la frontière entre le Belgique et le France pour que la Belgique lui souhaite la bienvenue.

Le Dr Eugène Rwamucyo a été suspendu à titre conservatoire de l’hôpital de Maubeuge.

Pourquoi ?

Voici la petite histoire de Rwamucyo

II a étudié en Union soviétique et s’est marié avec une Rwandaise. Au moment du génocide en 1994, le docteur Rwamucyo est médecin-chef du centre universitaire de Butare, au Rwanda. Sa réputation est celle d’un hutu extrémiste du Nord.

Certains des survivants de Butare affirment qu’il a participé aux réunions de planification et de coordination du génocide en 1994.

Ces réunions que l’on nous disait ironiquement de sécurité pendant le génocide !

En 1994, les survivants de Butare disent qu’il aurait fui son pays juste à la victoire du Front patriotique. Il aurait fui au Zaïre puis en Côte d’Ivoire.

Il aurait demandé asile là-bas en janvier 1995 et le Haut Commissariat aux Réfugiés s’y est opposé car il était soupçonné de génocide à Butare.

Docteur Rwamucyo continue en France où il demande aussi l’asile. Accusé de complicité active dans le génocide des Tutsi en 1994 à Butare, le Dr Eugène Rwamucyo s’était vu refuser l’asile politique en France.

Les conditions d’octroi de l’asile confient à la Commission de recours des réfugiés
 placée sous le contrôle du Conseil d’État
 l’examen des recours formés contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). En mars 2002, Eugène Rwamucyo la saisit pour contrer l’avis négatif de l’OFPRA du 12 septembre 2002 qui lui refuse le statut de réfugié politique en France.

En 2003, il est entendu par la Commission des recours qui va rejeter à nouveau sa demande.
Le Dr Eugène Rwamucyo fait l’objet d’une fiche de recherche d’Interpol pour « génocide et crime de guerre ».

Après instruction de son dossier, l’OFPRA pointe « un faisceau d’indices significatifs et concordants démontrant l’implication de Mr Rwamucyo dans le génocide rwandais de 1994. L’Office a des raisons sérieuses de penser que l’intéressé a pris part, en toute connaissance de cause, à l’organisation des massacres, voire directement aux tueries dans la préfecture de Butare ».

Conclusion de la commission :

« Le Dr Eugène Rwamucyo « ne peut dès lors soutenir qu’il ignorait le génocide qui se perpétrait à ce moment-là dans son pays d’origine » et elle ajoute que « sa responsabilité dans le génocide rwandais est tenue pour établie par les organisations internationales et notamment le Haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies... »

Le docteur Rwamucyo se défend en disant qu’il appartient à l’intelligentsia Hutu du nord du Rwanda. Il déclare être menacé par le régime en place à Kigali.

Pour la Commission « ses explications en séance selon lesquelles les accusations portées contre lui sont une machination du gouvernement rwandais actuel avec la complicité des organismes internationaux sont dénuées de toute vraisemblance et ne peuvent être tenues pour sincères ».

« le croque-mort de Butare »

Eugène Rwamucyo était surnommé « le croque-mort de Butare » Ceux qui ont compris la manipulation génocidaire ne sont pas dupes et savent que « l’argument de la cabale montée par le gouvernement actuel est une défense typique des Rwandais ayant quitté leur pays et accusé de complicité dans le génocide ».

Lorsque le journal la Sambre demandent au docteur Rwamucyo s’il a participé au génocide, voici sa réponse :

« Non. C’est une affaire vieille de plusieurs années. Je ne suis pas un criminel, c’est une affaire politique orchestrée par le pouvoir en place au Rwanda. »

Et moi je pense que si Rwamucyo est un docteur, il devrait au moins savoir qu’une affaire de crime de génocide qu’elle soit jeune ou vieille et imprescriptible !

Il continue : « Je me suis rendu sur mon lieu de travail jusqu’à ma fuite en République démocratique du Congo, le 14 juillet 1994. »

Le docteur a raison, le génocide des Tutsi s’appelait le travail.

Mais pour la Belgique, Rwamucyo est bienvenu : Eugène Rwamucyo, génocidaire présumé, recherché par Interpol, vient de recevoir en Belgique, un permis de séjour de cinq ans. Pourtant Eugène Rwamucyo est aussi sous le coup d’une information judiciaire au Parquet de Paris. Pour l’Office des étrangers, ce n’est pas important. L’important est un regroupement familial. Et rien d’étonnant que le Docteur Rwamucyo travaillait tout près de la Frontière belge car sa femme et ses enfants habitent la région de Charleroi.

La différence entre vivre en Belgique et vivre au Rwanda pour un rescapé est qu’au Rwanda, nous savons que l’idéologie est encore là, que nos bourreaux se cachent, mais qu’ils assassinent lorsqu’ils sont loin de la loi. Contrairement à la Belgique. Ce que l’Office des étrangers vient de faire, est une manifestation qui fait comprendre à quel point les rescapés du génocide ne sont pas les bienvenus en Belgique qui devient le fief official des génocidaires.

Rwamucyo est recherché pour pouvoir rendre justice aux veuves et aux orphelins de Butare. A Sahera et à Tumba toutes les veuves et les orphelins l’attendent.

Oui Rwamucyo se défend comme veulent l’entendre ceux qui l’écoutent. Rwamucyo a été condamné à Butare par les tribunaux Gacaca. Si la Belgique ne croit pas aux Gacaca, pourquoi les subsidie-t elle ?

Donner d’une main et retirer d’une autre ?

Que fait la justice belge ?

Au moment où la Belgique va commencer un procès d’Assise de Nkezabera Ephrem, la Belgique accueille Rwamucyo, Rwabukumba mène une vie tranquille comme si la Centrale avait été une alimentation, et la plupart des génocidaires jugés et condamnés en Belgique sont sortis de prison.

Où vont aller les rescapés du génocide ?

Ces procès n’ont jamais aucune réparation, mais ils n’ont pas de choix, ils continuent et il faut qu’ils continuent pour ne pas tomber.

Une justice sans réparation est une injustice de plus, une justice sans réparation condamne à vivre la survie comme un statut car elle les empêche de se reconstruire.

Est-ce le génocide qui continue ?

Yolande Mukagasana
Rescapée du génocide des Tutsi du Rwanda


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