Accueil | Histoire d’un génocide | Des documents

Les 10 commandements du Muhutu

Les commandements de la haine
 revue Kangura

"Nous posons une fois de plus la double question : pourquoi les autorités françaises - dont les représentants au Rwanda ont sans aucun doute lu ces « commandements » - n’ont-elles pas dénoncé cette montée de l’incitation au meurtre ? Pourquoi ont-elles, au contraire, développé leur soutien et leur aide à ceux-là mêmes qui préparaient le génocide d’avril dernier ?"
— L’Humanité, 2 juillet 1994

Le texte suivant (publié en France le 2 juillet 1994 par le journal L’Humanité) est une preuve supplémentaire de la manière dont le racisme anti-tutsi et la haine contre les Hutus démocrates ont été exacerbés au Rwanda au cours des années qui ont précédées le génocide.

En décembre 1990, soit quelques mois après l’intervention d’un corps expéditionnaire français aux côtés des forces de répression du général-président de Habyarimana, la revue Kangura [1] (le « réveil », un périodique officieux de la mouvance présidentielle) a publié « les dix commandements » de la haine.

Fait significatif, en dernière page de ce même numéro figure un grand portrait de François Mitterrand, avec comme légende un dicton local selon lequel « les grands amis, on les rencontre dans les difficultés »...

Voici ces « commandements »

1. Tout Muhntu doit savoir que Umututsikazi [2] où qu’elle soit travaille à la solde de son ethnie tutsi. Par conséquent, est traitre tout Muhutu

 qui épouse une Mututsikazi ;

 qui fait d’une Umututsikazi sa concubine ;

 qui fait d’une Umututsikazi sa secrétaire ou sa protégée.

2. Tout Muhutu doit savoir que nos filles Bahutukazi sont plus dignes et plus consciencieuses dans leur rôle de femme, d’épouse et de mère de famille. Ne sont-elles pas jolies, bonnes secrétaires et plus honnêtes !

3. Bahutukazi, soyez vigilantes et ramenez vos maris, vos frères et vos fils à la raison.

4. Tout Muhutu doit savoir que tout Mututsi est malhonnête dans les affaires. Il ne vise que la suprématie de son ethnie.

Par conséquent, est traître tout Muhutu

 qui fait alliance avec les Batutsi dans ses affaires ;

 qui investit son argent ou l’argent de l’Etat dans une entreprise d’un Mututsi ;

 qui prête ou emprunte de l’argent à un Mututsi ;

 qui accorde aux Batutsi des faveurs dans les affaires (l’octroi des licences d’importation, des prêts bancaires, des parcelles de construction, des marchés publics...).

5. Les postes stratégiques tant politiques, administratifs, économiques, militaires et de sécurité doivent être confiés aux Bahutu.

6. Le secteur de l’Enseignement (élèves, étudiants, enseignants) doit être majoritairement Hutu.

7. Les Forces Armées Rwandaises doivent être exclusivement Hutu. L’expérience de la guerre d’octobre 1990 nous l’enseigne. Aucun militaire ne doit épouser une Mututsikazi.

8. Les Bahutu doivent cesser d’avoir pitié des Batutsi.

9. Les Bahutu, où qu’ils soient, doivent être unis, solidaires et préoccupés du sort de leurs frères Bahutu.

 Les Bahutu de l’intérieur et de l’extérieur du Rwanda doivent rechercher constamment des amis et des alliés pour la Cause Hutu, à commencer par leurs frères bantous.

 Ils doivent constamment contrecarrer la propagande tutsi.

 Les Bahutu doivent être fermes et vigilants contre leur ennemi commun tutsi.

10. La Révolution Sociale de 1959, le Référendum de 1961, et l’Idéologie Hutu doivent être enseignés à tout Muhutu et à tous les niveaux. Tout Muhutu doit diffuser largement la présente idéologie.

Est traître tout Muhutu qui persécutera son frère Muhutu pour avoir lu, diffusé et enseigné cette idéologie.

Kangura, décembre 1990.

— Source : RwandaNet

KANGURA-n°6 by Izuba.info


En dernière page (4eme de couverture) de ce célèbre numéro de Kangura qui sort un mois après que des militaires français aient aidé les FAR à repousser l’offensive du FPR, trône le portrait de François Mitterrand avec la manchette : "Un véritable ami du Rwanda".

Le 2 juillet 1994, le journal L’Humanité s’interroge :

"Nous posons une fois de plus la double question : pourquoi les autorités françaises - dont les représentants au Rwanda ont sans aucun doute lu ces « commandements » - n’ont-elles pas dénoncé cette montée de l’incitation au meurtre ? Pourquoi ont-elles, au contraire, développé leur soutien et leur aide à ceux-là mêmes qui préparaient le génocide d’avril dernier ?"

[1La revue bimensuelle Kangura, « La voix qui cherche à réveiller et guider le "peuple majoritaire" » est dirrigée par Hassan Ngeze que le pouvoir avait placé à la tête de cette revue « privée », mais dont les ficelles étaient notamment tenues par Félicien Kabuga, le financier de l’Akazu (l’Akazu signifie « petite maison » et correspondait au noyau dur des dirigeants extrémistes).

[2Femme Tutsi

Twitter