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Histoire d’un génocide (1885-1999)

En 100 jours, plus d’un million de personnes sont exterminées
 De la colonisation au génocide

Rwanda, 1994 : la population tutsi est victime d’un génocide d’une efficacité meurtrière effroyable.

Excitée par des années de propagande haineuse, la majorité hutu bascule dans la folie. Hommes, femmes et enfants, armés de machettes, tuent, violent et pillent des familles entières, leurs voisins de toujours. En 100 jours, plus d’un million de personnes sont exterminées, Tutsi mais aussi Hutu opposants au régime, soit plus de 15 % de la population totale.

1993

 Janvier : SIGNATURE DU PROTOCOLE DES ACCORDS D’ARUSHA sur le maintien de l’état de droit, la fin des massacres, la constitution d’un gouvernement de transition à base élargie incluant le FPR.

 8 février : Nouvelle offensive du FPR pour faire cesser les massacres et mettre en œuvre les accords. Arrêt de l’offensive devant Kigali grâce à l’appui français. Envoi par la France de deux compagnies additionnelles au Rwanda.

 20-22 février : Violences commises par les milices interahamwe et CDR à Kigali. Massacre de Tutsi et d’opposants hutu dans les préfectures de Gisenyi, Ruhengeri, Kibuye et Byumba.

 Février : Engagement du Capitaine Paul Barril par le ministre rwandais de la Défense, en vue d’une mission (nom de code : " opération insecticide "). Interrogé par un officier militaire français de haut rang, François Mitterrand répond que Barril n’a reçu aucun ordre de lui.

 Mars : Enquête internationale sur les massacres. Affirmation par l’un des membres de cette commission, Jean Carbonare, d’avoir vu des instructeurs français dans le camp de Bigogwe, où " l’on amenait des civils par camions entiers. Ils étaient torturés et tués ". Dénonciation par la commission des pratiques de génocide au Rwanda et de la responsabilité au plus haut niveau des autorités rwandaises dans ces massacres.

 25 février - 2 mars : Rencontres de Bujumbura, entre le FPR et l’opposition.

 28 février : VISITE DU MINISTRE DE LA COOPERATION MARCEL DEBARGE A KIGALI. Appel à un " front commun " contre le FPR. Cette déclaration officielle d’un ministre français sera suivi de l’Organisation par Habyarimana d’une réunion entre le MRND, la CDR et les extrémistes antitutsi des autres partis : MDR, PSD, PL et PDC, approuvant la présence française et appelant la population à " la défense civile du pays ". Création de la mouvance Hutu Power à la suite de cette réunion.

 Mars : Conclusion d’un nouvel accord de cessez-le-feu à Dar-es-Salaam entre le gouvernement rwandais et le FPR, prévoyant le reprise des pourparlers d’Arsusha et le départ des troupes étrangères (françaises).

Adoption de la résolution 852 du Conseil de Sécurité de l’ONU, visant à mettre en place une force internationale d’interposition. Début du retrait des troupes françaises. Retour du FPR sur ses positions d’avant février 1993.

 Avril : Nomination du Général Huchon, adjoint au chef d’état-major particulier du Président Mitterrand, ancien commandant du 1er Régiment parachutiste d’infanterie de marine (1er RPIMa), à la tête de la Mission militaire de coopération. Il succède au général jean Varret, " démissionné " pour avoir manifesté son désaccord sur la politique conduite par la France au Rwanda.

 Mai : Conclusion de nouveaux accords à Arusha, prévoyant la constitution d’une armée nationale unifiée.

 Juin : Mise en place du gouvernement de transition.

 17 juillet : Agathe Uwilingiyimana issu du parti MDR est nommée Premier ministre

 4 Août : SIGNATURE DES ACCORDS D’ARUSHA dont les trois composantes sont :

-1/ la mise en place d’un État de droit sous la responsabilité d’un gouvernement de transition à base élargie ;
 2/ le retour des réfugiés rwandais ;
 3/ la constitution d’une armée nationale de transition intégrant les FAR et l’APR

Début des émissions racistes et incendiaires de la Radio Télévision Libre des Mille Collines (RTLM), avec à sa tête Seraphin Rwabukumba, beau-frère du Président Habyarimana, membre des réseaux Zéro et Ferdinand Nahimana.

 Décembre : Retrait des troupes françaises. Mise en place de la Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda (MINUAR), dirigée par le brigadier-général Roméo Dallaire.

 Octobre : Massacre de Tutsi au Burundi à la suite de l’assassinat , le 21 octobre, du président Melchior Ndadaye. Représailles de l’armée. Fuite des responsables des massacres au Rwanda.

 Novembre : Le bataillon belge compte 450 hommes au lieu des 800 attendus.

 27 décembre : La MINUAR compte 1260 militaires.

 28 décembre : Arrivée triomphale à Kigali des 600 militaires du 3ème bataillon d’élite du FPR, choisis pour représenter ce parti dans la capitale, sous le commandement du Colonel Charles Kayonga. Ils accompagnent les représentants du FPR au gouvernement et seront cantonnés au parlement (CND).

Le génocide des Tutsi

1994

 21 janvier : Interception par la MINUAR à Kigali d’un avion cargo qui avait chargé à Châteauroux (France) des munitions pour les FAR.

Blocage des accords d’Arusha : refus de la faction présidentielle Hutu Power de mettre en place un gouvernement de transition élargi au FPR.

 23 Février : Assassinat du leader du PSD Félicien Gatabazi. Lapidation de Martin Bucyana, le dirigeant de la CDR en représailles. Les violences font plusieurs dizaines de morts. Report sine die de l’installation des institutions de transition.

Onze militaires français du Département d’Assistance Militaire à l’Instruction (DAMI), en civil, sont identifiés à Kigali. Ils avaient officiellement quitté le Rwanda depuis décembre 1993.

Présence à Kigali du capitaine Paul Barril, prestataire de services spéciaux auprès du régime rwandais.

 Mars : Arrivée des 800 militaires du contingent ghanéen de la MINUAR qui compte alors 2508 hommes provenant de 22 pays.

 29 mars : Tenue à Kigali d’une réunion présidée par le chef d’état-major des Forces Armées Rwandaises (FAR) pour préparer et organiser, sous la responsabilité de l’armée, l’élimination des " infiltrés " (les Tutsi) et des " traîtres " hutu.

 4 avril : Lors d’une réception à la MINUAR, le Colonel Bagosora déclare que les accords d’Arusha " n’offrent aucune garantie " et parle d’exterminer tous les Tutsi .

 6 avril, 20H 30 : DESTRUCTION DE L’AVION TRANSPORTANT JUVENAL HABYARIMANA ET LE PRESIDENT DU BURUNDI CYPRIEN NTARAMIRA.

En moins d’une d’heure, avant même que la nouvelle soit annoncée à la radio, installation de barrages aux grands carrefours de Kigali. Les rues de la capitale s’encombrent de cadavres. La Garde Présidentielle interdit à la MINUAR de se rendre sur les lieux de l’attentat. Le commandant français de Saint-Quentin y a accès. Le Colonel Bagosora, omniprésent, lance et supervise les tueries.

 7 avril : Assassinat par la Garde Présidentielle du Premier ministre Agathe Uwilingiyimana, des dix casques bleus belges qui assuraient sa protection, ainsi que de plusieurs ministres et de responsables hutu démocrates.

Présence de Paul Barril à Kigali pendant le génocide, où il réside à l’ambassade de France.

Début du massacre systématique des Rwandais tutsi, de ceux qui les protègent et des partisans d’une politique de conciliation nationale.

 8 avril : Extension du génocide hors de Kigali : massacres dans les paroisses de Zaza (10 et 12 avril), Kanzenze (11 avril) Kabarondo (13 avril), Nyarubuye (14 avril), Kibungo (15 avril), ...

OPERATION AMARYLLIS

 9 avril : Envoi de troupes à Kigali par la France (opération Amaryllis) et la Belgique (opération Silverback) pour l’évacuation des expatriés et des Occidentaux. Les soldats belges, contrairement aux Français, évacuent quelques Tutsi.

Evacuation sur Paris d’Agathe Habyarimana, épouse du président, co-fondatrice de la RTLM et co-inspiratrice des " réseaux Zéro ", dont la famille est au cœur du dispositif génocidaire et prise en charge de celle-ci et de sa suite par le gouvernement français. Hébergement à Paris de ses frères Séraphin Rwabukumba et Protais Zigiranyirazo, ainsi que de l’idéologue Ferdinand Nahimana, personnages centraux du Hutu Power.

Remise à Paris par le Ministère de la Coopération sur ordre de Mitterrand, d’une somme de 20 000 F à Agathe Habyarimana, pour ses frais personnels.

Evacuation par la France de l’orphelinat Sainte-Agathe, permettant l’exfiltration de 34 " accompagnateurs ", notamment des responsables des massacres.

Destruction précipitée à l’Ambassade de France de toutes les archives sur ordre de l’ambassadeur, Jean-Michel Marlaud. Accueil à l’ambassade du personnel politique de l’ancien régime. Les Tutsi menacés d’extermination sont abandonnés à leur sort, y compris le personnel de l’ambassade et des services culturels français.

Constitution du GIR (Gouvernement Intérimaire Rwandais) à l’ambassade de France et au Ministère de la Défense, sous la houlette de l’ambassadeur Marlaud et du Colonel Bagosora.

 12 avril : Offensive à Kigali des forces du FPR.

 16 avril : FIN DE L’OPERATION AMARYLLIS. PERPETRATION DU GENOCIDE dans la nuit rwandaise, à travers tout le pays.

 19 avril : Diffusion par Radio-Rwanda, d’un discours du président du GIR, Théodor Sindikubwabo, en voyage au Butare, invitant la population du Butare à se " mettre au travail ". Début des massacres à Butare.

 21 avril : Vote de la France au Conseil de Sécurité de l’ONU pour la réduction du nombre de Casques bleus de la MINUAR (qui passe de 2700 à 450).

 21-25 avril : Massacres à l’hôtel Ibis et à l’hôpital de Butare.

 Fin avril : Opposition de Jean-Bernard Mérimée, représentant de la France au Conseil de Sécurité de l’ONU, à la qualification de " génocide " pour les massacres perpétrés contre les Tutsi.

Accueil du Ministre des Affaires Etrangères du gouvernement génocidaire, Jérôme Bicumumpaka et du représentant de la CDR, Jean-Bosco Barayagwiza à l’Élysée et à Matignon.

 27-28 avril : Rencontre à Gbadolite (Zaïre) entre Mobutu et Jacques Foccart, accompagné de Michel Aurillac, ancien ministre de la Coopération de Chirac (1986-1988), et de l’avocat Robert Bourgi.

Présence de Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d’État pour les Affaires africaines sous le président Bush (francophone et marié à une française, ami de Jacques Foccart, Herman Cohen est un partisan actif du président Mobutu à Washington).

 1er mai : Déroute des FAR qui entraînent dans leur fuite des centaines de millier de civils.

Entretiens à la Mission militaire du ministère de la Coopération (rue Monsieur à Paris) de l’adjoint du chef d’état-major des FAR avec le général Jean-Pierre Huchon. Fourniture par celui-ci d’un matériel de communication cryptée pour maintenir le contact entre les FAR et Paris.

Promesse d’une aide militaire. Le général Huchon prodigue des conseils pour " retourner l’opinion " en faveur du camp génocidaire.

 17 mai : Vote, par le Conseil de Sécurité de l’ONU, du déploiement de 5500 casques bleus et d’un embargo sur les armes au Rwanda. Le représentant de la France, Jean-Bernard Mérimée, s’était efforcé d’empêcher cet embargo en soutenant la position du représentant du GIR.

Annonce au GIR, par un message du deuxième secrétaire de l’ambassade du Rwanda au Caire, de la livraison de 35 tonnes d’armes (munitions et grenades) pour un montant de 765 000 dollars. Ce document mentionne une transaction faite à Paris.

 22 mai : prise de l’aéroport de Kigali par le FPR.
Avril-juin : Ravitaillement des FAR en armes et munitions par des avions Boeing 707 atterrissant à Goma au Zaïre. Livraisons payées par la France selon les sources sur place.

 Fin mai : Réunion à huis clos à Paris des ambassadeurs des pays d’Afrique francophone " amis de la France ", incitant les dirigeants français à s’opposer à la " déstabilisation " du Rwanda par le FPR.

 Juin : Payement à Paul Barril de 1 200 000 dollars pour un contrat de " service et assistance " signé avec le gouvernement Habyarimana, selon un document publié par la Mission parlementaire sur le Rwanda.


Documentation

La nuit rwandaise, Jan-Paul Gouteux, Izuba édition / L’Esprit Frappeur, 2002

La Frace au coeur du génocide des Tutsi, Jacques Morel, Izuba édition / L’Esprit Frappeur, 2010

Les Enfants d’Imana, histoire sociale et culturelle du Rwanda ancien, Jean Luc Galabert, Izuba édition, 2011 (réédition 2012)

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